Albert Regagnon naquit à Saint-Girons, le 8 Janvier 1874. Ariégeois par la naissance, il fut, tout jeune, et reste encore Toulousain par le cœur.
Issu d’une famille bourgeoise dont le maison de commerce, vieille de deux générations, fort bien achalandée et d’excellente réputation, fournissait une large aisance, l’enfant vécut une jeunesse facile et agréable.
Ses parents, d’une bonté accueillante, avaient l’hospitalité généreuse er recevaient de grand cœur parents et amis. Ces hôtes venus de milieux divers: artistes peintres, musiciens, commerçants, voyageurs, officiers revenus de campagnes lointaines, apportaient dans la maison des goûts variés, des conversations constructives et les enfants de la famille s’instruisaient à table, au salon ou en promenade, plus agréablement que dans les livres de classe; leur goût des voyages, du chant, de la peinture se développa peu à peu.
C’est surtout la compagnie de son oncle maternel qui attirait le jeune Albert; il aimait cet oncle pour sa bonté souriante, sa gaîté, son humeur taquine et enjouée; il le suivit volontiers dans ses visites au musée de Toulouse où cet oncle copiait parfois des tableaux de maîtres et la vocation du jeune homme s’affirmait de jour en jour. Il passait volontiers ses après-midi de congé, enfermé dans sa chambre, à dessiner et à faire quelques aquarelles. Et, au collège de Saint-Girons où il faisait ses études, il avait toujours le premier prix de dessin.
A quatorze ans, il obtient l’autorisation de prendre quelques leçons dans l’atelier d’un peintre-décorateur de Toulouse, Mr Serres, qui avait quelques élèves; mais cela ne dura qu’un an et ce fut toute son école, car son père avait hêtre d’utiliser l’activité de ses deux fils dans sa maison de commerces. Albert protesta timidement, sa vocation était réelle et le commerce ne lui plaisait guère; il aurait voulu entrer à l’école des Beaux-Arts et suivre la carrière, artistique, mais son père ne jugeait pas la peinture capable d’assurer à une famille une vie aisée et digne; le jeune homme s’inclina et ne put faire de la peinture qu’à ses rares moments de loisir. Néanmoins, dès l’âge de quinze ans, il exposa un paysage à « l’Union Artistique » de Toulouse; parents et amis l’encouragèrent et il continua à travailler seul, sans autre maître que la nature.
FAMILLE LANZE
A dix neuf ans, il s’engagea dans un régiment d’artillerie et vint à Toulouse ou il fit plus de peinture que d’exercices militaires ou de corvées. Quelques officiers ayant remarqué son jeune talent lui demandèrent l’un un paysage, l’autre un portrait; et ce fut pour lui trois années heureuses durant lesquelles il s’adonna à son art favori, enfin mena une vie conforme à ses goûts et à ses aptitudes.
Rentré chez lui, il reprit sa place au magasin sans enthousiasme, mais avec le souci de faire scrupuleusement son travail jusqu’à sa retraite. Il épousa, quelques années plus tard, une Toulousaine simple, douce et bonne, mais affligée d’une mauvaise santé. La perte d’un enfant de quelques mois attrista le jeune foyer; puis ce fut le départ pour la guerre, en 1914.
Durant les quatre années qu’il passe dans les Vosges, il trouva le moyen de faire de la peinture à ses moments de repos; souvent un bombardement l’obligeait à fermer sa petite boite; parfois aussi; un obus ayant éclaté non loin de lui, sans bouger, il finissait sa pochade, disant: » Maintenant, c’est passé! »
LA GARONNE A BLAGNAC
Il put ainsi rapporter quelques jolis sous-bois vosgiens, quelques coins des bords de la Meuse ou de la Meurthe et tout un album de petites aquarelles; il conserve tout cela précieusement dans son atelier comme souvenirs d’un passé déjà lointain.
Quelques années après son retour de la guerre, la mort de sa femme l’affligea profondément et le laissa triste et désemparé durant de long mois. Saint-Girons lui rappelant trop de souvenirs pénibles, il laissa le commerce à son frère et s’installa définitivement à Toulouse pour se consacrer uniquement à la peinture, le rêve de sa vie enfin réalisé. C’est alors, vers 1923, que commence la période la plus féconde de sa vie d’artiste.
S’étant refait un foyer, il mène depuis, une vie heureuse, auprès d’une femme qui lui donne, à l’occasion, un conseil judicieux, mais qui, surtout, veille sur sa santé et sa quiétude, lui épargnant autant que possible soucis et préoccupations matérielles. Et là, dans son modeste atelier de l’avenue Maignan, devant son chevalet et ses toiles, parents et amis le trouvent au travail; il les accueille toujours avec son bon sourire et leur, présence l’oblige à prendre quelques instants de repos bienfaisant. Car il travaille avec passion, presque avec frénésie. Dès que le temps le permet, même en plein hiver, il court la campagne à la découverte d’un joli site. Bien qu’ayant quelques portraits ou parfois des natures mortes. Albert Regagnon est essentiellement paysagiste. Il adore la nature, c’est elle qui l’a formé; il sait voir et choisir les beautés qu’elle lui offre généreusement; il ne l’interprète pas, il la traduit avec tout son cœur simple et sensible; il en note la poésie avec une émotion intense qui attire et charme même les profanes.
Il a voyagé dans le plupart des régions de France, mais la Côte d’Azur, les Pyrénées, les environs de Saint-Girons, Toulouse et sa banlieue sont ses principales sources d’inspirations. Et, ce qui l’attire, ce ne sont point les grandes lignes, ses immenses panoramas, mais plutôt un coin ombragé avec un sentier qui fuit sous de jolis arbres, une petite cascade, un vieux pont, un moulin démantelé, des ruines moyenâgeuses, un joli rocher, contre lequel l’eau se brise en remous écumants; quelquefois aussi, une scène champêtre: le dépiquage, la moisson, la causette d’un jeune couple devant un attelage au repos.
Albert regagnon paraît chaque année avec honneur au Salon des Artistes Méridionaux où il expose depuis 1906. De nombreux critiques d’art lui ont prodigué des éloges: La Dépêche, La Petite Gironde, Le Midi, La Revue Moderne des Arts et de la Vie lui ont consacré des articles qui concrétisent son talent d’une façon saisissante. En voici quelques passage:
La Revue Moderne Des Arts (Septembre 1922).
« Je ne connaissais rien encorde ce peintre et , tout de suite, j’ai été séduit par le caractère de franchise et de spontanéité de sa touche, par la clarté de sa vision et l’absence de tout parti-pris, sinon c’est à lui de traduire la nature dans toute la réalité de ses formes et de ses couleurs, réalité dont il sait dégager toute l’exquise poésie. »
« Il ne voit pas la nature à travers des souvenirs d’école ou de musée; il a le don de la fraîcheur et de la clarté, et, chez lui, la sensibilité l’emporte sur le science du peintre. »
OLORON SAINTE MARIE
La Midi du 18 Juin 1942. « Albert Regagnon est aussi un virtuose. Ses paysages de printemps où d’Automne de l’Ariège et des Hautes-Pyrénées nous placent devant la réalité sans mièvrerie de sites montagneux. Avec un art consommé de perspective, de l’effet fugitif admirablement rendu , il garde une sobriété d’ensemble qui suggère une ambiance fraîche et fait souhaiter de reposantes vacances au bord des clairs ruisseaux. «
La Dépêche du 20 Mars 1931. » La qualité prédominante de cet artiste, qui fait le plein air avec maîtrise, paraît être la luminosité. Sa palette distribue le soleil avec prodigalité et ses sous-bois mêmes procèdent du même amour de l’éclairage somptueux et de la riche lumière. Qu’on voit Le sentier de la Morère, à Santaraille, le Coin de Banyuls ‘sur-Mer, La Pergola de la Côte d’Azur ou de Latou, on y admire la même richesse de coloris; les tonalités aux transparences si vraies des ciels, de la mer, des ruisseau écumants ou paresseux se marient agréablement aux intenses verdeurs des prés et des hautes futales. »
On pourrait citer bien d’autres appréciations flatteuses parues dans divers journaux, mais celles qui précèdent suffisent à dégager la personnalité de l’Artiste.
Albert Regagnon est sociétaire des « Artistes Français « depuis 1933. Longtemps, par timidité par une timidité excessive, il avait hésité à exposer à Paris; s’étant enfin décidé, il obtint dans son premier envoi, une mention honorable et manqua de peu la médaille d’argent. Chose étrange! bien que paysagiste avant tout, c’est un petit portrait qui lui valut cette récompense : Le portrait de Guilhem, vieux mendiant nain et difforme qui parcourait souvent les rues de Saint-Girons et que les gamins poursuivaient, sans pitié, de leurs quolibets. Ce personnage familier l’avait inspiré et il en avait rendu avec maîtrise l’originale laideur.
C’est un ami du peintre, le maître Joseph Bergès, qui, faisant un jour un tour dans son atelier, remarqua dans un coin cette petite toile; et, l’arrachant à la poussière et à l’oubli il la déclara un morceau de choix. Le jury du Salon confirma, sans hésiter, ce jugement, et ce portrait connut un réel succès auprès des peintres parisiens.
L’atelier de l’avenue Maignan reçoit toujours de nombreux visiteurs, tous amis des arts et amateurs de tableaux quelques uns faisant eux-mêmes aquarelle ou peinture à leurs moments de loisir. Ils demandent à Albert Regagnon la permission de le regarder travailler; ignorant la jalousie, pourtant légitime de son art, il les laisse peindre à ses côtés, meur permet de copier un de ses toiles, leur donne en passant un petit conseil et les fait ainsi bénéficier de sa vieille expérience. Dans cette atmosphère de labeur, de cordialité et de quiétude, il goûte pleinement la satisfaction que procure un travail fait avec joie.
Parmi les familiers de sa maison et de son atelier, n’oublions pas de citer son Frère Eugène, devenu lui-même un excellent peintre, et son neveu André Regagnon qui a fait, dans la carrière artistique, une ascension rapide et brillante. Avec le maître Joseph Bergès, leur ami commun, les trois Regagnon forment une pléiade d’artistesqui font honneur à leur pays d’origine: Saint-Girons, mais la réputation s’étend plus loin, à Toulouse et à Paris.
MONTAGNE DE SEINTEIN